- Le pichet.
- Pardon ?
- Le pichet devant toi, s’il te plait.
Les derniers mots difficilement articulés laissaient envisager un soupçon d’alcool, en plus d’un caractère de cochon. Katelynn arqua un sourcil, dévisageant de ses prunelles azurées le démon qui lui faisait face. Comme lorsqu’elle était impliquée dans une situation tendue, la jeune femme sentait les regards fuyants des rebelles la scruter avec curiosité. Son tempérament incendiaire n’était plus une surprise pour personne et tous s’attendaient déjà à sa provocation.
- Tu as perdu tes jambes, Devon ?
Sa voix trahissait son dégoût pour l’homme face à elle. Croisant ses jambes, elle joua de son regard, le balançant de l’impoli à la cruche, provocatrice. Lorsqu’il se leva enfin, elle saisit le pichet la première et planta ses pupilles dans celles du démon.
- T’as déjà trop bu, tu ne crois pas ?
Simple volonté d’ennuyer son petit monde, n’y voyez aucune intention louable, la cadette Spencers se contrefichait de la probable gueule de bois de l’imbécile. L’insulte fusa de la part de ce dernier, son état ne lui permettant de ne rien trouver de plus intelligent et la jeune femme la reçut comme une déclaration de guerre. Katelynn se leva d’un bond, usant par la même occasion de son pouvoir pour projeter le siège de Devon dans son dos, le faisait basculer vers elle. Le saisissant au col, elle lui persiffla à son oreille :
- Ne t’avise plus jamais de me manquer de respect.
Belle démonstration de la magicienne, son visage laissait entrevoir une once de fierté. La Katelynn d’Hypnos avait cette fâcheuse manie d’en faire toujours trop. Plus arrogante, plus provocatrice, posséder des dons extraordinaires décuplait son insolence, déteignant à petit feu sur l’étudiante éveillée. Toujours les yeux plus gros que le ventre, incapable de savoir quand s’arrêter… Entre nous, quoi de plus idiot que de s’attaquer seule à un gros tas de muscle à moitié lucide ? Sentant la vapeur nauséabonde d’alcool s’échappant des lèvres du rebelle, la démone ne vit pas le moindre coup arriver. Elle ne put que s’effondrer sur le tronc lui servant de fauteuil sous la gifle qu’elle reçut, lui décrochant à moitié la mâchoire. Devon ayant certainement oublié le siège collé à ses mollets, assommé par la boisson, chuta en arrière. Katelynn porta sa main à sa bouche, défiant du regard les quelques rebelles installés autour du feu. Aucun d’eux ne se leva, évidemment, elle l’avait mérité, n’est-ce pas ? Elle se faufila loin de la scène, ignora la douleur, fière jusqu’au dernier instant et pesta. Elle n’aimait pas se rendre ridicule. Elle ne supportait pas qu’on lui tienne tête, ne supportait pas qu’elle puisse avoir perdu la face. S’asseyant contre le tronc d’un arbre, à quelques mètres du camp, à l’orée des ténèbres, elle contemplait les ombres du feu le regard vide, bercée par les crépitements des branches au cœur du brasier. En cette soirée, si Hypnos s’était tenu face à elle, l’indomptable serveuse l’aurait étranglé de ses propres mains. Foutu cauchemar…