I've always writen you bad love letters who ask for love back ○ Will

Chère Sanza,

"Chère Sanza", t'écrire ça me ramène à cette époque où nous nous écrivions, juste après la mort de mon père, lorsque moi et maman avons quitté Caton. Jour funeste où je t'ai dit adieu... Mais nos lettres... j'ai gardé toutes les tiennes tu sais ? Je me souviens, je te parlais de ma vie en Nouvelle Zélande chez ma tante, des gens qui ne me comprenait pas, toi tu disais que rien ne pourrait me briser et que partout où j'irais, malgré l'incompréhension des gens, mon père serait toujours là pour m'aimer. Comment imaginer une gamine de 10 ans écrire ça à son meilleur ami ? Tu étais comme un ange gardien pour moi. Voilà pourquoi j'ai perdu la raison. Ce n'est pas toi, ni même les mots que tu as dit... J'ai moi-même fermé les yeux sur le vrai monde, j'ai cru à l'utopie d'une vie où rien ne pourrait changer. J'ai cru que je pourrais rester ce petit garçon toute ma vie. Celui à qui tu as dit au revoir, celui à qui tu as écrit chaque semaine jusqu'à ce qu'il ne réponde plus... Jusqu'à ce que tes lettres s'entassent dans une boite rouillée, récoltée par une mère au cœur brisé. Si seulement tu savais...

Toutes ces choses que je t'écrivais, tout comme c'est le cas aujourd'hui, n'étais que des preuves, des mots d'amour. Un amour de gamin, une passion que personne ne pouvait comprendre... J'étais trop jeune pour ne pas sombrer dans cet intense fleuve de sentiments. Je en comprenais même pas ce qui m'arrivait. Ce que j'ai compris aujourd'hui, c'est que c'était de mauvaise lettres d'amour. Je ne voulais qu'une chose, que tu m'aimes en retour... Ce n'est pas ça... Si mon coeur avait été pur, j'aurais compris ce que je devais faire. J'aurais du savoir que j'étais aller trop loin et te laisser enfin partir. Mais je n'ai pas pu, et avant que je le réalise, mon existence était devenue un mensonge. Aujourd'hui, je vais te dire la vérité. Je te le dois comme je me le devais.

Quand j'ai quitté l'Archipel, j'ai cru devenir fou, mes rêves étaient bien moins réels, bien moins magiques. Et puis tu n'étais presque jamais là... J'ai cru que le monde partait en lambeau, que l'apocalypse était proche, puis ma mère m'a expliqué que c'était ici que tout était réel et non Caton. J'ai perdu pied, j'ai sombré, je me suis accroché à mes souvenirs mais finalement, il ne me restait rien, excepté les tours de passe passe que je faisais pour t'impressionner, et cette cabane qui me revenais en mémoire. Peu à peu, j'oubliais le Phoenix, la vie là-bas. Tout. Mais c'était douloureux, comme si on m’arrachait une part de moi-même. Alors, j'ai essayer de trouver quelque chose. "Ton père sera toujours là". C’est grâce à toi, à tes mots que j'ai survécu. Je me suis mis à lui parler. C'était comme respirer à nouveau, il me comprenait, m’accompagnait. Mais les enfants qui parlent tout seul, c'est attendrissant, alors que lorsqu'un adolescent de 16 ans discute du beau temps dans le vide, c'est effrayant. J'ignore pourquoi... La peur de la différence... La peur que je vois des choses qui n'existaient pas ou justement qu'il y ait des choses que seul moi pouvait voir... Deux ans. Pendant deux ans, on m'a enfermé... Je ne me souviens de presque rien. Les médecins en blouses blanches, les sédatifs, la camisole... Je voulais me retrouver mais ils m'ont complètement égaré. Pendant deux ans, j'ignorais jusqu'à mon nom.

Tu sais Sanza, c'est grâce à une chose que j'ai survécu... Le souvenir de ce jour-là... Tu te rappelle ? Les tabourets grinçants du glacier de la Place? Tu m'avais offert une crème glacée parce que des grands m'avaient pris mon argent... Je ne sais pourquoi, cette générosité m'a gardé debout quand tous, ils voulaient me voir à terre. A 18 ans, ils m'ont laissé sortir, ma mère pensait que les médecins pouvaient régler la schizophrénie. Elle a eut tort. A 21 ans, rien ni personne ne pouvait me garder loin de toi... Je n'étais pas dangereux, juste fou, fou à lier. D'ailleurs, je le suis encore... C'est sans doute pour ça que je trouve le courage de te dire combien je regrette l'enfer que tu as vécu. C'était moi... Bon sang Sanza si tu savais... Les coups de fils à minuit pile, les ombres dans les ruelles, les enveloppes vides... C'était moi Sanza. Je sais que je t'ai fait peur, je sais que pendant cinq longues années, tu as craint pour ta vie... Mais jamais je ne t'aurais fait de mal. Tu sais aussi... tu dois le savoir... Ce qui m'a arrêté. Tu te souviens de ce bal masqué ? Tu sais que c'est après ce mystérieux baisé que ton univers est devenu moins effrayant. Je me souviens de tes lèvres sur les miennes... Je me souviens du vide en moi quand j'ai compris que tu m'avais oublié et que notre amitié avait disparue, entrainant tout mon amour pour toi. J'ai cru mourir... Mais rien ne vaut la peine de perdre la vie.

J'ai disparu de ta vie ce jour-là. Je restais un observateur discret. j'avais renoncer à tenter de te parler, j'étouffais rien que d'y penser. Alors, j'ai abandonné. J'ai accepté les médicaments, j'ai accepté d'entrer dans le moule, j'ai dit adieu à cet enfant que j'aimais... J'ai mal, c'ets comme un trou béant et le néant s'y engouffre. Tu sais, j'avais 26 ans quand j'ai enfin appris que la vie n'était pas un comte de fées. J'aurais tant aimé que ce soit le cas et que tu sois dans mon livre. Tu étais sortie depuis longtemps. Alors, j'ai pris un deuxième travail. Manra n'est pas un paradis, on en est loin. Mais je gagne un bon salaire : serveur et clown... Tu imagines ça ? Quand je t'ai revue il y a trois jours dans la piscine du complexe... J'ai craqué. Et tu avais raison : Papa me répond toujours...

Ton ami pour toujours, Will.